Située à l’ouest de Vendôme, je me dirige vers la commune de Mazangé à la Ferme de la Vallée Boisée. La Ferme de la Vallée Boisée, j’imagine déjà les poules pondeuses d’Anne Lamy qui gambadent dans les prés !

Ça c’était avant

Chinonaise, Anne Lamy fait ses études à l’école supérieure d’agriculture d’Angers, avec un parcours centré en génétique bovine. Pendant trois ans, Anne travaille à Caen dans un organisme de sélection animale comme responsable promotion communication. Suite à la mutation de son mari en Loir et Cher fin 2003, Anne intègre la chambre d’agriculture pendant dix ans, dans un premier temps au pôle production animale puis au pôle développement territorial. C’est dans le cadre de sa mission au pôle développement territorial qu’Anne accompagne des démarches de circuits-courts. Elle fait ses premières armes en tant que conseillère en accompagnement de projets à la chambre d’agriculture. A l’issue de cette riche expérience, Anne arrive à la fin d’un cycle et veut créer son activité. Sa réflexion débute en 2010.

Une mûre réflexion

Ce n’est pas sur un coup de tête qu’Anne s’installe. Elle sera seule pour tout gérer, un prérequis important. Trouver un mode d’exploitation qui soit gérable par une femme seule, un dimensionnement relativement limité avec un investissement modéré. Avec son expérience, Anne connaît les méandres de ce milieu. Le nerf de la guerre, c’est l’équilibre entre le temps de travail, l’organisation et la rentabilité. Ce qu’elle savait, c’est ce qu’elle ne voulait pas. Des lignes se dessinent.
Ce sont ses amis de Normandie, qui lui parlent du réseau « Notre Basse-cour ». Un réseau qui valorise le développement d’une agriculture à taille humaine, respectueuse de l’environnement, des animaux et des consommateurs. Au-delà de leurs valeurs, cette structure accompagne Anne tout au long de son installation. Le concept correspond exactement à ses attentes, l’aventure commence !

Accueillir ces demoiselles

Avant de recevoir ses premières poulettes, Anne a du pain sur la planche ! L’été 2012 est consacré à l’installation de l’exploitation et la construction des premières cabanes en bois. Des cabanes tout confort. Des nids avec du foin, plus douillet que la paille, à l’arrière de la cabane des casiers avec une ouverture pour récupérer les œufs et une échelle. La cabane étant surélevée, la récupération des excréments se fait facilement, une hygiène parfaite. L’hygiène est essentielle, l’œuf ne se nettoie pas. Sans oublier les mangeoires mobiles, sujet stratégique ! Une alimentation à base de céréales sans OGM, sans soja, sans huile de palme, et de l’herbe bien sûr. Je découvre ce nouvel univers à distance. Pour protéger son exploitation, Anne a mis en place des barrières sanitaires strictes.

Janvier 2013, le premier lot de quatre cents poulettes prend place dans les quatre premiers parcs. La mise en place se poursuit pour atteindre seize parcs. Tout au long de son installation Anne est soutenue et conseillée par ses collègues du réseau « Notre Basse-cour ».

Des poules bien éduquées

A dix-sept semaines, les poulettes de race Isa Plein Air arrivent chez Anne. La race impacte la couleur de la coquille. En France, les œufs bruns ont la côte ! La qualité nutritionnelle dépend de ce qu’elles mangent. Revenons à leur éducation.

Leur premier lieu de villégiature est un bâtiment central où elles restent trois semaines. Pendant ce temps, Anne pratique un vide sanitaire de leur futur habitat, le transfert peut se faire.
Deuxième phase, l’arrivée dans la cabane. Pendant quinze jours, chaque cabane accueille des lots de cent poulettes. Le temps nécessaire pour que le parc retrouve une qualité suffisante d’herbe Elles aiment vivre en bande, ce sont des animaux grégaires. Les poulettes se structurent en micro société, la hiérarchie s’installe, les dominantes, les dominées, chacune trouve sa place. Les poulettes ont le temps de s’habituer à la cabane pour commencer à pondre dans les nids. Elles doivent comprendre que la ponte se fait dans les nids de la cabane, et pas en mode « free style » ! « Une fois qu’elles ont bien tout compris », Anne les lâche dans le parc.
Troisième phase, les poulettes doivent maintenant manger à l’extérieur. Progressivement les mangeoires sont reculées. Anne souligne que l’apprentissage de la montée à l’échelle pour accéder aux cabanes est le plus compliqué. J’imagine.

La poule pond ses premiers œufs vers vingt semaines, des tous petits œufs. Au fur et à mesure qu’elle grandit l’œuf devient plus gros. La taille de l’œuf a son importance sur le business d’Anne. Les professionnels attendent un calibre constant. La ponte a lieu tous les matins dans les nids prévus à cet effet. Ensuite direction son laboratoire où elle les mire, les tamponne, les trie et les range. La saison a un impact sur la ponte, la durée du jour stimule l’organisme des animaux. A compter de mi-février jusque fin août « c’est de la folie douce » ! Mille six cents poules, mille six cents œufs qu’Anne ramasse à la main dès neuf heures trente du matin. Des poules bien loties, balades au soleil en caquetant dans leur parc. Une fois la journée terminée, retour dans la cabane et au dodo !

Après un an de bons et loyaux services, la qualité de la coquille et le calibre de l’œuf ne sont plus au rendez-vous. Des critères essentiels pour assurer le bon fonctionnement de son exploitation. Anne doit s’en séparer, c’est ce qu’on appelle « la réforme des poules ». Soucieuse de valoriser ses animaux, Anne vend à des petits élevages familiaux et travaille avec une charcuterie de la Sarthe qui les transforme en rillette de poule. Sur l’exploitation tout est valorisé, hormis la fiente, un engrais écologique et riche en azote. Anne réfléchit au sujet.

Objectifs atteints

Et le business dans tout ça ! Anne a démarché un à un ses clients, des professionnels de l’alimentaire. Le bouche à oreille a suivi, vu la top qualité de ses œufs. Deux tournées par semaine pour livrer ses œufs et conserver le contact avec ses clients avec qui elle partage des valeurs communes.

Il faut avoir de la ténacité pour supporter seule 365 jours par an cette charge de travail, même si depuis peu Anne se fait aider. Challengée par le réseau « Notre Basse-cour », Anne trouve un soutien moral qui lui permet d’aller toujours plus loin. « Ce que j’aime dans ce que je fais aujourd’hui, c’est de respecter mon rythme, de prendre les décisions qui s’imposent et d’être proche de ma famille », c’est générateur de satisfaction. L’accord parfait en somme !